Gamarde, Aignan, Mugron petites arènes, grande Aficion

photos Romain Tastet, Matthieu Saubion, Nicolas Couffignal

Il est revenu le temps des corridas dans le Sud-Ouest. Pour débuter la saison, il nous a été donné d’assister à deux courses (Gamarde et Aignan) très différentes mais d’un niveau  parfois supérieur aux soupes « industrielles » servies par certaines grandes arènes. Et pourtant, elles sont organisées par des clubs taurins, comme quoi l’avenir de notre culture est plus dans l’artisanat que dans la production de masse des multinationales du mundillo.
Point très positif, il y avait beaucoup de monde aussi bien à Gamarde qu’à Aignan ou Mugron. La peña Azul était bien représentée alors que les anti brillaient par leur absence à Mugron. A Gamarde, il y avait plus de pancartes que de manifestants et à Aignan ils n’étaient pas assez nombreux pour faire un tarot avec appel d’un roi.


Gamarde
Arènes de Gamarde, corrida organisée par la Peña taurine Gamardaise.
6 toros dont un sobrero (3bis) de Fernando Peña correctement présentés et offrant des possibilités pour
Curro Diaz : silence, un avis et silence
Daniel Luque : un avis et une oreille,  un avis et deux oreilles
Thomas Dufau : un avis et une oreille contestée, un avis et silence
Salut de la cuadrilla de Luque au second
Salut de  Morenito d’Arles et Manolo de los Reyes au sixième
Cinq piques, un picotazo et un refilon
Cavalerie Bonijol
¾ d’arènes
Présidente : Colette Lacomme

Gamarde est une placita très influencée par la course landaise. On y voit sur les gradins une partie du noyau des taurins du Sud-Ouest et un public local dont une grande partie voit une corrida par an. Les organisateurs semblent avoir trouvé la bonne formule puisqu’ils ont attiré près de mille personnes pour le repas et ont rempli à plus des trois quarts les gradins de leurs arènes couvertes.
Si les toros de Fernando Peña sont sortis avec des armures commodes et abimées, leur trapio était convenable compte tenu de la dimension de la piste et de l’absence de talanquères sur un bon tiers du pourtour. Depuis les insignifiants Benjumea (succursale de Nuñez del  Cuvillo) sortis lors de la première corrida gamardaise, les organisateurs ont faits des efforts sur la présentation du bétail. Ils gagneront en crédibilité quand les armures seront à la mesure du tamaño.
Au plan comportement, les Fernando Peña ont manqué de présence au cheval, de forces au troisième tiers mais leur noblesse offrait des possibilités que seul Luque a voulu ou su exploiter. 

Thomas Dufau, qui est la base des cartels à Gamarde depuis le début, a été décevant. Certes son second toro a perdu un sabot enlevant tout intérêt pour le torero et le public  à la faena. Mais au troisième, Thomas a toréé sans transmettre la moindre émotion.  Le torero landais est à l’orée d’une saison importante avec un rendez vous important à Madrid (San Isidro) et dans des Férias de première catégorie en France. Il va devoir montrer autre chose que ce qu’il a montré à Gamarde, s’il veut relancer sa carrière. 
Curro Diaz, répété après son succès de l’an dernier, est venu toucher son chèque. 
La bonne surprise de cette course a été Daniel Luque. Il a voulu marquer son début de temporada en France et il y a réussi. Son premier toro, très noble, lui a permis de construire une faena , essentiellement droitière, de très bon niveau. Dommage qu’un imbécile ait cru bon de crier indulto (on se serait cru dans le Sud-Est). Luque s’est fait piéger et a trop prolongé une faena qui est allée à menos, comme le toro, le privant d’un double trophée. J’ai beaucoup aimé ses séries de derechazos au cinquième auquel il a coupé deux oreilles. Luque est un des toreros à suivre en ce début de temporada.


Aignan
Arènes d’Aignan : 26ème corrida de Pâques
Trois toros de Concha y Sierra (1, 2,3) et du Curé de Valverde (4, 5,6) supérieurement présentés mais manquant de fond et de forces pour
Octavio Chacon : un avis et salut au tiers, une oreille
Pepe Moral : salut au tiers, silence
Manolo Vanegas : une oreille, silence
Dix sept piques, une chute
Cavalerie Bonijol
Ovation au picador Juan Melgar Jimenez au quatrième toro
Président : Guy Tanguy
Belle entrée avec 9/10èmes des gradins occupés
Ciel bleu et soleil

Le public de Gamarde est allé aux arènes pour voir des toreros, celui d’Aignan y est allé pour voir des toros. Le lot composé de trois Concha y Sierra et de trois Curé de Valverde est de ceux qui forcent le respect.

 Respect vis-à-vis de l’éleveur qui s’attache à élever des bichos superbement armés et avec un gabarit à faire fuir bien des figuras ou figuritas.  Respect vis à vis des organisateurs qui font l’effort, et prennent le risque, de sélectionner un tel bétail. Et surtout Respect vis-à-vis tous les toreros qui acceptent de se mettre devant des toros aussi impressionnant et dont la réputation n’est pas celle d’être des enfants de cœur. Tout d’abord   merci aux matadors et à leurs piqueros qui ont décidé de mettre en valeur  les toros de Jean Claude Couturier au premier tiers. 

Mises en suerte soignées et adaptées, piques en général sobrement et correctement données, il n’en faut pas plus pour satisfaire les aficionados à los toros. Le summum de l’après-midi a été le tercio de piques très spectaculaire et émotionnant du quatrième  Curé de Valverde grâce au sens de la lidia de Chacon et au professionnalisme  de l’excellent  piquero qu’est Juan Melgar.
Intéressants au premier tiers, les Concha y Sierra ont été trop justes de forces pour durer au troisième. Les Curé de Valverde ont eux manqué de fond et n’ont pas offert beaucoup d’options aux toreros tout en créant de l’émotion par leur dangerosité.
Pepe  Moral, pas très bien servi et pas forcément à sa place dans ce type de corrida, est passé sans peine, ni gloire.

Octavio Chacon est un torero sérieux et très bon lidiador. Il a construit une très intéressante faena à son premier (Concha y Sierra). Il l’a vraiment lidié, s’adaptant au comportement du toro et le faisant aller à mas. Il a été très courageux face à son Valverde. 

Manolo Vanegas confirme qu’il est un torero vaillant et avec un excellent bagage technique. A peine remis de sa blessure vauverdoise, il a construit une faena courageuse et très technique face à un Concha y Sierra qui demandait le passeport, la carte d’identité et le permis de conduire. Le sixième ne permettait pas grand-chose et Manolo a du abréger.

 Chacon et Vanegas sont deux toreros à suivre cette saison, si les organisateurs veulent bien leur faire confiance.


Mugron
 Novillada des Pâques Taurines 2017
6 novillos (dont un sobrero sorti en première position en substitution du titulaire blessé peu après sa sortie en piste) très inégaux de présentation et au comportement de media casta pour
Carlos Ochoa : une oreille, un avis et vuelta
El Adoureño : deux avis et silence, un avis et silence
Dorian Canton  (début en piquée): salut au tiers, deux oreilles
Treize piques, une chute, cavalerie Heyral
Le trophée Lestage, desertio depuis quatre ans, est remis à Dorian Canton
Trois quarts d’arène
Temps couvert, timide apparition du soleil au dernier toro

La novillada mugronnaise était très attendue par les aficionados. C’était la présentation en France en lot complet de la ganaderia navarraise El Pincha. J’avais gardé de la concours de Saint Perdon et de la novillada de Peralta un excellent souvenir des bichos de la famille Baigorri. Le lot de Mugron a été très en dessous de ce que j’avais vu l’an passé. La camada est courte et le lot du jour est le second choix de l’éleveur, le premier constituant le lot prévu pour Pampelune. Cela peut expliquer, sans le justifier, un lot desigual de présentation et des armures commodes disparates et même limite acceptables pour le dernier. Au plan comportement ce fut celui de toros de media casta. Mansos au cheval, ils n’étaient ni nobles, ni pas nobles. Face à ce type de bétail, toute la faena repose sur le torero. Il doit obliger le toro à passer ou à ne pas partir en querencia, et trouver des leviers pour donner une émotion, ou une alegria  à la faena que le bicho n’est pas capable de transmettre.

Carlos Ochoa est un novillero sérieux. Il a fait ce qu’il fallait face à ses deux adversaires malgré leur défaut. On retiendra de ces deux faenas, une très belle série de derechazos au second. C’est un novillero à revoir   face à tout type de bétail.
El Adoureño était très attendu après sa temporada 2017. Sa présentation à Arles, dimanche, s’est mal passée et il y avait chez Yannis un vrai désir de revanche. Il entre en piste avec une certaine rage et enchaine de bonnes séries au capote face à son premier. A la muleta, il construit une bonne faena à droite qui plait au public. Malheureusement, il oublie la corne gauche où le Pincha avait de vraies possibilités et tue mal ce qui le prive d’une oreille. Son second ne permettait pas grand-chose et le novillero n’insiste pas. Yannis est sorti des arènes frustré par sa prestation et une partie du public l’a été aussi. Peut-être attendait-on trop d’un garçon qui a réalisé une très grosse saison l’an passé y compris dans des arènes de catégorie en Espagne. 

Le gersois est un novillero donc il aura forcément des hauts et des bas. Il est aussi très différent  des produits d’école taurine propres sur eux et à la tauromachie  qui fonctionne mécaniquement sans défaut mais sans qualité. Yannis est un self made torero, il a forcément une tauromachie   avec une vraie authenticité  mais aussi des scories. De plus il a un vrai caractère qui le conduit à en faire parfois à sa tête en piste  à ne pas aimer être conseillé depuis le callejon ou les gradins, et à ne pas insister quand le toro ne permet pas (ce qui nous évite les faenas à rallonge). On ne peut pas râler après le manque de personnalité et d’originalité des novilleros « formatés » et ne pas admettre qu’un torero puisse avoir les qualités et les défauts d’une personnalité atypique. Ne tirons pas sur l’ambulance comme l’ont fait certains à Mugron et laissons des toreros comme Yannis et Maxime Solera redonner une certaine saveur acide et sucrée à la novillada*.

Dorian Canton faisait ses débuts en piquée. C’est surtout au sixième, novillo manso et querencioso, qu’il a pu mettre en évidence ses qualités. Depuis longtemps, on sait que Dorian avait besoin d’adversaires à sa taille et avec du piquant pour briller. Il a été excellent face à son second novillo. Le Pincha manquait de race et il a fallu la muleta autoritaire du béarnais pour l’obliger à se livrer. Le bicho n’a pas supporté la pression imposée par le torero et est parti dans les planches. Avec une maturité et une technique étonnante, Dorian a imposé sa loi pour faire aller crescendo sa faena malgré un opposant dont le moral était allé à menos. On a dit que c’est un peu tôt pour Dorian d’affronter les Pedraza à Garlin. On risque d’avoir une très bonne surprise car la caste des Aldanuevas peut très bien s’accorder avec le tempérament du novillero béarnais.


Les non piquées
Arènes d'Aignan, novillada non piquée
Quatre erales du Camino de Santiago bien présentés et offrant des possibilités pour
Dorian Canton (despedida en non piquée) : une oreille, une oreille
Yon Lamothe : salut, un avis et silence
Vuelta au quatrième eral

Président : Pascal Bouneau-Lavedan (Maubourguet)
Prix des organisateurs du Sud-Ouest : Dorian  Canton
Prix du club taurin d'Aignan : Yon Lamothe
Sept cent personnes sur les gradins
Ciel bleu et soleil inespérés après les pluies de ces dernières semaines


Arènes de Mugron novillada non piquée des Pâques Taurines
Trois erales d'Alma Serena, bien présentés donnant du jeu excellent le premier pour
Yon Lamothe : un avis et deux oreilles, une oreille
Villita : un avis et vuelta
Vuelta au premier novillo
Le prix attribué par les clubs taurins Ricard est attribué à Yon Lamothe
Celui des clubs taurins organisateurs du Sud-Ouest est partagé entre les deux toreros
Demi-arène
Ciel couvert et fond de l'air frais et humide


Deux non piquées ce weekend, l’une à Aignan et l’autre à Mugron. De la matinée gersoise, on retiendra la présentation, en particulier les armures des Camino de Santiago, et les qualités de lidiador de Yon Lamothe. Le Landais a su améliorer ses deux adversaires, dommage qu’il tue si mal.
De celle de Mugron on retiendra l’exceptionnel  Alma Serena, vrai eral de bandera, sorti en premier et la noblesse malgré sa faiblesse du dernier.


Thierry Reboul

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